Frugal Chagall ?

Chagall, le Cantique des Cantiques, 1958

« Exils réminiscences » est l’intitulé un peu pompeux d’une exposition émiettée sur la Côte d’Azur en trois musées : Chagall à Nice, Léger à Biot et Picasso à Vallauris.  « Chouette ! se dit la Griotte, qui s’y connaît en exil (ex-parisienne, elle vit depuis une poignée de mois à Nice, c’est dire !), une bonne occasion pour pouvoir retourner au merveilleux musée Chagall ! ». Sauf que…

Une expo en miette

Une expo en miettes

Le descriptif de l’expo est aussi scolaire que rébarbatif, digne d’un exposé de 3:  « l’expérience essentielle de l’exil est commune à Picasso, Chagall et Léger, à des moments différents de l’histoire, pour des raisons variées, aux conséquences à distinguer. Fondateur pour Chagall et Picasso, partis pour le Paris fascinant du début du siècle, l’exil sert à Léger d’aiguillon nouveau aux États-Unis, à partir de la Seconde Guerre mondiale. »

Malgré une carte si mal présentée, la Griotte par le thème alléchée, se réjouissait à l’avance d’un festin qui combinerait hors-d’œuvres chefs-d’œuvres et sauce régal Chagall.

De fait, une fois sur place, elle est restée sur sa faim. Difficile en effet de déguster avec plaisir des mini amuse-gueules disposés sur trois tables différentes, espacées de plusieurs kilomètres et d’en faire bombance. Il manquait à la Griotte un don d’ubiquité évident pour pouvoir savourer pleinement ces portions d’Exils.

Ainsi, le tableau de l’affiche, signé Otto Freundlich, n’est présent qu’au musée de Biot. La Griotte, qui n’est allée qu’à Nice, aurait pourtant bien aimé le contempler de ses yeux céruléens.

Exil(e)s flottantes

Exil(e)s flottant(e)s 

Le reste de l’exposition, au regard du thème annoncé, est chiche comme Crésus : un Max Ernst période « je gratouille du bois sur ciel bleu », deux ou trois Kandinsky mineurs, des Fernand Léger vraiment légers et un Miro tout bleu (le monochrome lui va mal au teint).

La Griotte a tout de même craqué sur les tableaux métissés du surréaliste sino-cubain Wifredo Lam (c’est dire si son œuvre est métissée !), trop méconnu, et sur les œuvres dues à un certain Picasso, un poil plus connu. Elle a dévoré les taureaux de Maître Pablo en onze états successifs, et une planche de son historiette Songe et Mensonge de Franco qui, mine de rien et l’air de tout, annonce les crayonnés de la BD moderne (et préfiguraient Guernica à l’époque, rien que ça…). Picasso l’exilé avait juré que jamais il ne retournerait dans une Espagne sous dictature, pourtant sa mère patrie. Il a tenu parole.

Régal de Chagall

Régal de Chagall

Si vous avez loupé l’expo Exils (vous avez encore quelques jours) rien n’est perdu, le musée Chagall de Nice vaut bien à lui seul le déplacement, foi de Griotte !

Chagall, Abraham et les trois anges, 1960-1966

Le lieu est moins majestueux que celui dédié à Matisse à Nice (une demeure gênoise du XVIIe siècle nichée au cœur d’un jardin magnifique un peu plus haut sur la colline de Cimiez), mais la collection permanente présentée y est autrement plus riche et on y respire une odeur de talent inspiré qui met les papilles artistiques en émoi.

C’est grâce à André Malraux (vous savez, le nerveux gaullien qui chevrotta avec grandiloquence : « Entre ici, Jean Moulin ! ») que ce musée a été construit au début des années 70 afin de conserver le Message Biblique réalisé par Chagall (douze tableaux illustrant la Genèse et l’Exode, les deux premiers livres de la Bible, et un ensemble de cinq peintures évoquant Le Cantique des Cantiques).

Chagall, le paradis, 1961

Marc Chagall fut associé à l’édification de ce musée et tint à ce qu’un auditorium fût conçu pour le public. C’est là que la Griotte a regardé un très beau film de 50 mn projeté en boucle (en anglais ou en français) sur cet artiste si humaniste et si humble malgré une reconnaissance acquise de son vivant. Un passage de ce portrait l’a marquée : celui où l’on évoque le travail de Chagall sur les vitraux. De fait, si le film est le plus souvent en noir et blanc, un coup d’œil sur le mur de gauche du fameux auditorium permet au spectateur de découvrir un merveilleux vitrail aux bleus prédominants tout en écoutant le passionnant documentaire.

Le petit jardin du musée permet de prolonger l’émotion artistique qui saisit les cœurs les plus endurcis et les esprits les plus hermétiques devant le génie si singulier de Chagall.

Jardin du musée Chagall de Nice

Alors, si comme la Griotte vous aimez Chagall, précipitez-vous au musée qui lui est dédié à Nice, vous en aurez plein les yeux, en particulier en contemplant une pièce majeure de son illustration du Message Biblique : cet extraordinaire Création de l’homme.

Chagall – Création de l’Homme

Vous pourriez même, si vous avez autant de talent, faire comme Joann Sfar le Niçois : en tirer un conte juif en BD dont le héros se nomme Marc Chagall, et interpréter très librement les oeuvres de Chagall.

  • Chagall en Russie (tome 1) de Joann Sfar, éditions Gallimard Jeunesse (2010), 64 pages, 14,10 €.
  • Chagall en Russie (tome 2) de Joann Sfar, éditions Gallimard Jeunesse (2011), 64 pages, 14,10 €.

 

Griotte sur le gâteau…

Griotte sur le gâteau…

Pour finir, une petite anecdote de derrière les fagots dont la Griotte a le secret : David McNeil, auteur de la célèbre ritournelle Mélissa (vous savez, la métisse d’Ibiza) chantée par Julien Clerc, est le fils de Chagall. Il lui a d’ailleurs consacré un livre très attachant disponible dans la librairie du musée : Quelques pas dans les pas d’un ange. On y apprend par exemple que Chagall le chargeait volontiers de faire les fonds bleus de ses toiles.

Musée Chagall (infos pratiques)

Ouvert tous les jours sauf le mardi, les 1er janvier, 1er mai, 25 décembre

  • De novembre à avril de 10 h à 17 h
  • De mai à octobre de 10 h à 18 h

Tarifs collection permanente : Plein tarif 7,50 € – Tarif réduit 5,50 €
En période d’exposition temporaire : Exils (23 juin-8 octobre 2012) Plein tarif  : 9.50 € Tarif réduit : 7.50 €

Le bon plan de la Griotte :

Le musée est gratuit pour les moins de 26 ans (pour les membres de l’Union européenne), le public handicapé (carte MDPH), le 1er dimanche du mois et les enseignants.

5 Responses to “Frugal Chagall ?”

  1. Mon commentaire n’est ni éclairé, ni pertinent, mais juste un remerciement pour toutes ces infos, ça m’a donné envie d’aller faire un tour dans ce musée… J’adore Chagall, il est donc temps que j’y aille…

    J’aime

  2. Alors bonne visite ! Et plein d’autres expos à voir avec Chagall en 2013 sur https://lagriotteanice.wordpress.com/2013/01/04/ca-va-bien-se-passer-en-2013-2/

    J’aime

Trackbacks

Un commentaire éclairé ? une remarque pertinente ? un petit coucou en passant ? faites-vous plaisir...