La dernière muse de Giacometti

Elle a 20 ans, il en a 60. Il s’appelle Alberto, elle l’appelle « ma grisaille ». Elle se prénomme Yvonne, mais préfère Caroline, très à la mode dans les années 50. Il est reconnu comme le plus grand artiste de son temps et aime toujours autant les prostituées, comme quand il n’était qu’un jeune sculpteur sans le sou. Elle est frivole, vénale, un peu voyoute et gagne sa vie en passant quelques moments avec des clients dans des hôtels borgnes de Montparnasse. Il s’appelle Giacometti, elle sera son dernier modèle et sa dernière passion. Et elle vit toujours, à Nice, au milieu de ses canaris et de ses souvenirs.

Dans Le dernier modèle, l’écrivain Franck Maubert, auteur de nombreux livres d’art, est parti à la rencontre d’Yvonne-Marguerite Poiraudeau, dite Caroline, une vieille femme, diabétique et ruinée, qui termine sa vie dans un modeste appartement sur la Promenade des Anglais au milieu de ses canaris en liberté. C’est l’histoire d’une passion incroyable qu’elle raconte à Maubert. De leur rencontre dans un bar interlope de Montparnasse en novembre 1958 jusqu’à sa mort, en 1966.

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« Il est attiré par cette inconnue dont il entraperçoit l’âme. Elle est insaisissable. ».

Elle buvait du Coca, fumait des cigarettes mentholée et passait de lits en lits mais était éblouie par les sculptures « qui se tenaient debout comme des personnes et qui paraissaient si vivantes« . Elle lui a demandé une Ferrari rouge, il lui a offert une MG de la même couleur.

Elle raconte à Franck Maubert ses virées à Londres avec Giacometti, leur visite de la Tate Gallery et leur soirée avec un Francis Bacon aussi ivre que violent. Elle évoque leurs escapades, leur histoire d’amour plutôt compliquée (il est marié, elle aussi a épousé entretemps un octogénaire) et bien sûr ses séances de pose pour son insatiable amant :

« C’était le Bonheur avec un B majuscule, dit la vieille petite dame, je me tenais assise dans mon fauteuil, nous étions tous les deux enfermés dans l’atelier, sous la lampe, dehors il faisait nuit et c’était le Bonheur. Alberto me faisait rayonner. »

Elle aurait aimé avoir un enfant de lui, elle n’aura même pas un dessin mais des souvenirs gravés au fond de son âme et qu’elle dévoile petit à petit au romancier qui est venu la voir à Nice.

De son histoire d’amour avec Giacometti, il ne reste que deux huiles : Caroline en larmes et Caroline avec une robe rouge, les souvenirs d’une vieille dame sur la Baie des Anges et… le livre vraiment émouvant de Franck Maubert.

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  • Le dernier modèle, de Franck Maubert, éditions Fayard / Mille et une nuits, 128 pages, avril 2012, 12,50 €.

Giacometti, Caroline en larmes, 1962

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Caroline avec une robe rouge de Giacometti

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Giacometti à la Fondation Maeght

Si vous n’avez pas eu la chance de voir la magnifique expo Giacometti et les Étrusques l’an dernier à la Pinacothèque de Paris, vous pouvez toujours, toute l’année, vous promener à la Fondation Maeght de Saint-Paul de Vence. Vous y retrouverez Giacometti avec les principaux peintres et sculpteurs d’art moderne du 20e siècle : Bonnard, Braque, Calder, Chagall, Léger, Miró et d’artistes contemporains.

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  • Fondation Maeght,Saint-Paul-de-Vence. Entrée 14€, étudiants et moins de 18 ans : 9 €, gratuit pour les enfants de moins de 10 ans. La billetterie ferme 30 minutes avant l’horaire de fermeture.

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Ouvert tous les jours :

  • Octobre-mars: 10h-13h / 14h-18h
  • Avril-juin : 10h-18h
  • Juillet-septembre: 10h-19h

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Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence

 

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3 Responses to “La dernière muse de Giacometti”

  1. Un livre qui envoûte; une histoire de regard et de corps…Emouvant en effet
    http://gillesmartin.blogs.com/zone_franche/2012/12/d%C3%A9mesure.html

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