À Nice, à la fin du XIXe siècle et jusqu’en 1944, un fabuleux lieu de spectacles et de fêtes qu’on appelait la Jetée-Promenade, était installé dans la baie des Anges à quelques encablures de la Promenade des Anglais. Un extraordinaire palais mauresque monté sur pilotis qui recevait le gratin du monde entier pour des fêtes sans fin et des jeux de casino où des sommes faramineuses étaient misées. Il ne reste rien de ce monument aujourd’hui… sauf une bonne dose de nostalgie pour tous ceux qui découvrent son existence, surtout au regard de l’affreux casino Ruhl qui lui a succédé. La Griotte n’y échappe pas et s’avoue fascinée par la destinée de ce lieu qui semble sorti d’un conte des Mille et une nuits. Entrez dans l’histoire des plaisirs de la Belle Époque !
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La course aux casinos sur la Riviera
En ce milieu du XIXe siècle, les riches hivernants qui viennent se refaire une santé à Nice sont en fait de moins en moins malades et ont besoin de plus en plus de distractions. Pour les joueurs le cercle Masséna ouvre en 1861 et les femmes y sont même admises, mais la ville joue de vitesse avec Monaco pour la construction de son casino.
En 1866, le premier casino de Nice est enfin inauguré sur la Promenade.
C’est le joyau de Nice, écrit Mme Ratazzi dans Nice la Belle. Ce petit palais est l’un des plus beaux établissements de ce genre ; Nice sans Casino serait une ruche sans miel. »
Il obtient un succès foudroyant mais, mal géré et souffrant de la concurrence nouvelle de Montecarlo, finit par laisser la place en 1872 au cercle de la Méditerranée.
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Le dictionnaire Larousse note dans son édition de 1876 :
Nice, la ville élégante par excellence, ne possède pas de casino ; mais les viveurs et les gens de la high life trouvent sur la plage le cercle de la Méditerranée ou dans la ville le cercle Masséna. »
Borriglione, le nouveau maire de Nice, décide en octobre 1879 de couvrir une partie du Paillon, cette rivière dont le lit sans eau est utilisé par les Niçois pour faire sécher leur linge, et d’y mettre un casino.
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Mais la construction de ce casino municipal est difficile, les fonds manquent pour le terminer et lorsqu’il est enfin inauguré en 1885, les Niçois n’aiment pas ce bâtiment nouveau qu’ils surnomment la feniera (le grenier à foin).
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La Jetée-Promenade, une attraction enchanteresse
L’Etat dispose d’un meilleur emplacement que la municipalité : la mer. Fin 1889, l’État concède une partie du domaine maritime à la Société Anonyme de la Jetée-Promenade pour qu’elle construise une jetée avançant sur la mer et une plateforme avec salons, salles d’orchestre, théâtre, salles de jeux, restaurants et même bains couverts.
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La construction du casino, qui se veut la réplique du Cristal Palace de Londres, est terminée dans l’hiver 1882-1883.
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Mais à peine la presse a t-elle vanté la légèreté de la construction qu’elle doit annoncer sa destruction totale par un incendie le 4 avril 1883.
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Aucune victime n’est à déplorer, il n’a même pas eu le temps d’être inauguré. Il est aussitôt reconstruit dans le même style byzantin-mauresque. Un chroniqueur mondain, M. de Fontanes note que
son style un peu oriental lui donne une poésie rêveuse et une attraction enchanteresse, ce cachet spécial qui devrait toujours distinguer les monuments de Nice destinés au plaisir. »
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Ce palais mauresque monté sur pilotis est le lieu de toutes les fêtes, de tous les défilés de mode et des plus impressionnantes manifestations d’élégance et d’opulence des riches hivernants, anglais et russes principalement, admirés par une foule cosmopolite.
À l’intérieur, l’Orient est aussi de la partie : un théâtre pagode inspiré de l’Inde, un café façon Japon, un restaurant qui viendrait de Chine et des grandes salles « des pays mauresques ».
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Il est peint un nombre considérable de fois par Raoul Dufy, qui le reproduisit même, de mémoire, après sa démolition.
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La fin d’un rêve de grandeur
Après des décennies de plaisirs, la Jetée-promenade qui a accueilli le gratin de l’aristocratie européenne ne survit pas à la guerre. En 1943, elle est d’abord dépouillée de ses cuivres, de ses bronzes, de ses laitons et de ses câblages électriques. Après le départ des Italiens, les Allemands décident, en janvier 1944, de démolir la Jetée pour en récupérer le métal. L »autorisation d’occupation du Domaine Public Maritime est ensuite retirée à la société qui exploitait le casino de la Jetée promenade. Elle doit se résoudre en 1947 à en faire définitivement disparaître les vestiges.
Ainsi disparaît, comme un mirage de la Belle Époque, l’un des plus incroyables monuments de la Riviera.
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Au centre de la coupole de l’église Saint-Roch à Nice, le grand lustre central est le seul témoin de cette cathédrale du jeu engloutie.
Et pour la voir telle qu’elle serait aujourd’hui, fièrement dressée sur la Prom’ : cliquez ici !
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