L’abbaye pas très catholique de Roseland

Elvis Presley avait sa Graceland, Mickaël Jackson sa Neverland, Mickey son Disneyland, Nice a depuis le XIXe siècle sa Roseland. L’abbaye de Roseland, sur la colline de Fabron à l’ouest de Nice, n’a jamais abrité la moindre mère abbesse, mais elle fait à l’origine partie de ces nombreuses « maisons des champs » que les riches familles niçoises font construire à la campagne tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle. Ces demeures inspirent à la fin du XIXe siècle de véritables fantaisies décoratives, à tel point qu’on les a appelées des « folies ».

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A la fin du XVIIIe siècle l’abbaye de Roseland est la propriété d’une des branches de la plus illustre famille noble du comté de Nice, les Lascaris-Vintimille, comtes de Castellar. Quand, en 1878, le Russe Antoine de Saint Petersbourg Stephanovitch dit comte Appraxine, en devient propriétaire, il en fait un véritable lieu de villégiature mais la maison n’a pas l’aspect qu’on lui connaît maintenant. C’est une bastide typique de la région, qui produit des olives, des fruits et des légumes, comme la plupart des grands domaines des collines niçoises. Seule sa façade en trompe-l’oeil la distingue des autres.

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Roseland, vue ancienne montrant le jardin ouest.

Une abbaye de fantaisie

En 1923, Édouard Lacarde, antiquaire parisien originaire du Sud-Ouest, achète la bastide et y incorpore de nombreux éléments du XVe siècle médiéval. Sur la façade, il fait réaliser un nouveau décor en trompe-l’oeil renforçant l’aspect gothique de cette drôle d’abbaye.

la salle à manger au 1er étage de Roseland

Il conserve les éléments du XVIIIe siècle, en particulier les portes, les fenêtres, les alcôves mais y ajoute des boiseries, armures, toile de peintres primitifs médiévaux. Il y ajoute des salles de bain et réaménage la cuisine. Il recrée même un tombeau égyptien dans une pièce creusée dans la roche.

Juste au-dessus de la bastide, il crée un cloître et une chapelle. Pour le cloître il fait tout simplement remonter 26 colonnes datant du Ve et du VIe siècle, provenant de la Daurade, un édifice religieux toulousain prestigieux. Il ajoute à cette première série de colonnes, d’autres colonnes gothiques provenant du cloître de Bonnefond-en-Comminges.

Pour le jardin, il s’appuie sur le savoir-faire de l’architecte paysagiste Octave Godard qui a déjà commis les jardins de la Villa Bellanda à Cimiez et des Grands Cèdres à Fabron. A Roseland, il imagine un jardin cosmopolite : allées et pelouses géométriques à la françaises, scultures, vasque et mobilier de marbre blanc à l’italienne, sinuosités à l’anglaise pour la montée du cloître.

Les essences méditerranéennes, chêne vert, olivier, caroubier, pin d’Alep, cyprès, genêt voisinent avec une végétation exotique variée : arbre de Judée, néflier du Japon, pittospore de Chine, eucalyptus, palmier des Canaries et palmiers nains, cocculus laurifolins, figuier de Barbarie, aloès, agaves… Enfin, une immense roseraie est plantée à l’entrée du domaine, justifiant le nom de Roseland à cette folie niçoise.

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Rendez-vous de Klein, Arman, Nikky de Saint Phalle …

Façade principale sud de Roseland

En 1961, le fils d’Edouard Larcade, propriétaire d’une galerie d’avant-garde à Paris, organise dans l’abbaye le premier festival des Nouveaux réalistes durant les étés 1961 et 1962 et réunit ceux qui formeront plus tard L’école de Nice : Klein, Arman, César, Christo, Jean Tinguely, Nikki de Saint Phalle. Karel Appel y réalise plus de 25 sculptures.

En 1968, la ville de Nice, dans le cadre d’un morcellement de la propriété obtient la nue-propriété du bâtiment et d’une partie des jardins. Elle se trouve aujourd’hui juste devant une résidence fort à propos baptisée Roseland.

Elle servira en tous cas de cadre à l’une des soirées lecture du Festival du Livre de Nice 2012. Pour en savoir plus sur ces soirées cliquez ici.

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  • Abbaye de Roseland 44 bd Napoléon III 04 93 86 47 04

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