Les Russes et la Côte d’Azur… une histoire centenaire

Quand on pense Russes sur la Côte d’Azur, on imagine des splendides blondes demoiselles prénommées Tatiana et des copains de Poutine avec un gros… portefeuille. Et pourtant, la présence russe à Nice et sur tout la Côte ça ne date pas d’hier… Ça a même plus de 100 ans ! Le 7 novembre 1917, ce qu’on a appelé ici la Révolution d’Octobre* éclatait en Russie. Lénine, Trotski et le congrès des soviets prennent le pouvoir. La Russie devient le premier régime communiste de l’histoire. Deux millions de Russes sont poussés à l’exil. Anciens aristocrates de la cour du tsar, militaires anti bolchevicks et opposants, tous ceux qu’on appelle les Russes Blancs (par opposition à l’Armée Rouge) cherchent refuge partout en Europe et dans le monde. Beaucoup d’entre eux décident en effet de venir sur la Côte d’Azur, bien avant Abramovitch et consorts.

* Le calendrier en usage en Russie n’était pas le même que chez nous.  Le 25 octobre russe correspondait au 7 novembre chez nous.

1880 grande-duchesse Anastasia et Frédéric-François III de Mecklembourg-Schwerin

Pourquoi venir sur ce qu’on appelle encore la Riviera ? Parce qu’ils ont entendu parler de cette douce contrée baignée de soleil depuis qu’au milieu du XIXe siècle, les tsarines Alexandra Féodorovna, épouse de Nicolas 1er, et Maria Alexandrovna, épouse d’Alexandre II, étaient venues séjourner à Nice, que la grande duchesse Anastasia Mikhailovna, cousine du tsar Alexandre III s’était réfugiée à Èze et que la flotte russe était venue parader dans le port de Toulon pour célébrer l’amitié franco-russe.

Portrait de l’impératrice Alexandra Fedorovna par Christine Robertson, Musée de l’Ermitage

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Un général devenu fabricant de yaourts

En 1921 des centaines de militaires rescapés de l’armée du général Wrangel (opposant à l’Armée Rouge) débarquent à Nice et à Toulon. Parmi eux le général Lomnovsky, qui, connaissant la recette du yaourt se reconvertit à Nice dans la fabrication de cet aliment au lait caillé, tel qu’il le connaissait parfaitement de sa Russie natale (prostokvacha).

 

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Les membres de la famille du tsar

Grand duc Nicolas Nikolaievitch

Les membres de la famille du tsar se réfugient également sur la Côte. Le grand-duc Nicolas Nicolaïevitch, petit-fils du tsar Nicolas 1er et prétendant au trône impérial s’installe au Cap d’Antibes dans la villa Thénard (devenue aujourd’hui château Algarve). Il a fui la Crimée avec son frère, le grand-duc Pierre Nikolaïevitch à bord d’un cuirassé anglais, le Marlborough, envoyé par le roi d’Angleterre pour rapatrier sa tante, l’impératrice Maria Feodorovna.

Le grand-duc Pierre Nikolaïevitch achète la villa Donatello au Cap d’Antibes. Sa fille Marina, née à Nice, épouse à Antibes en 1927, le prince Nicolas Galitzine, fils du dernier Premier Ministre de la Russie impériale.

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Plus de 3000 émigrés russes sur la Côte d’Azur

On a estimé à 1.500.000 le nombre d’émigrés russes à travers le monde, dont 400.000 en France. Parmi ceux-ci un grand nombre a débarqué sur la Côte d’Azur. Les Russes de la Riviera étaient près de 3000 en 1930 dans les Alpes-Maritimes, et on comptait près de 300 familles russes en 1926 dans le Var.

Des associations et des comités privés sont créés pour accueillir ces émigrés qui vivent dans des conditions très difficiles. Pour vivre ils acceptent tous les métiers : valets d’hôtels, chauffeurs de taxi, ouvriers, agriculteurs. Un ancien membre du conseil des ministres devient directeur d’école à Nice, un ancien colonel se transforme en prof de gym, un officier de la Garde Impériale est valet de chambre, un officier de cosaques de l’Oural est cuisinier….

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Écrivains, poètes, musiciens, peintres, danseurs…

Ivan Bounine prix Nobel Littérature en 1933

Romain Gary et sa mère

L’écrivain Yvan Bounine, lui, est arrivé à Grasse en 1921, dans une maison d’accueil pour les Russes immigrés. Il y a reçu d’autres émigrés russes, comme la romancière Nina Berberova ou le compositeur Rachmaninov qui lui prête de l’argent. C’est là qu’il a appris la nouvelle de son attribution du Prix Nobel de Littérature en 1933.

Un autre écrivain célèbre fait partie de cette communauté de Russes blancs sur la Côte d’Azur : Romain Gary. On y remarque aussi le musicien Stravinsky à Nice, le peintre Chagall à Saint-Paul de Vence, les danseurs des Ballets Russe à Monte-Carlo ou l’architecte André Svetchine qui a construit la villa de Christian Dior à Montauroux ou celle du brasseur Heineken à Antibes.

 

Cet article a été modifié (et éclairé) grâce à la contribution très précise de Michel Selezneff qui a relevé les imprécisions et contresens de la Griotte avec beaucoup de gentillesse. Merci à lui.

 

здоровье

(santé !)

Chagall Nice et la Baie des Anges

 

 

9 commentaires to “Les Russes et la Côte d’Azur… une histoire centenaire”

  1. Merci pour toutes ces précisions historiques.  Moi j en était restée aux Russes devenus chauffeurs de taxis à Paris….

    Envoyé depuis mon smartphone Samsung Galaxy.

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  2. Très sympathique votre post !
    Malheureusement les commentaires historiques qui suivent comportent quelques erreurs que je me propose de rectifier.
    Vous écrivez :
    1)- « … Le 7 novembre russe correspondait au 25 octobre chez nous. … » :
    C’est l’inverse ! La révolution eut lieu de 25 octobre selon l’ancien calendrier (russe) dit « Julien » ; cette date correspond en Europe, et au restant du monde, au 7 novembre de notre calendrier dit « Grégorien ». Entre les deux calendriers, il y a 13 jours de décalage, le Julien étant en retard sur le Grégorien.
    Exemples : la Noël russe (orthodoxe) est fêtée le 7 janvier (c’est leur 25 déc. à eux), et le 1er janvier orthodoxe est fêté le 13 janvier

    2)- « … la grande duchesse Anastasia Mikhailovna, sœur du tsar Alexandre II s’était réfugiée à Menton … » :
    Anastasia Mikhaïlovna signifie : Anastasia fille de Mikhaïl
    Alexandre II était fils de Nicolas Ier, donc Alexandre Nicolaïevitch, alors qu’Anastasia Mikhaïlovna était la petite-fille de Nicolas Ier.
    Par rapport aux différents souverains russes, Anastasia Mikhaïlovna était : A)- la nièce d’Alexandre II ; B)- la cousine d’Alexandre II ; C)- la grande-cousine du Tsar Nicolas II.
    Durant la première guerre mondiale Anastasia se réfugia en Suisse et à la fin du conflit elle s’installa à Nice et ensuite Èze où elle décéda en 1922. Je n’ai pas à ma connaissance qu’elle ce soit réfugiée à Menton …

    3)- « … Parmi eux le général Lomnovsky, qui, connaissant la recette du yaourt parce qu’il avait vécu en Bulgarie, se reconvertit à Nice dans la fabrication de cet aliment au lait caillé. … »
    Rendons à César ce qui appartient à César … ; En fait, en Russie, le lait caillé existe dans les chaumières depuis la nuit des temps …, cela s’appelle « Prostokvacha » (en ru : Простокваша), il n’a fait que commercialiser une recette de grand-mère que tous connaissaient en Russie … et encore aujourd’hui

    Merci pour votre article
    Michel

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  3. … et j’oubliais, la photo de l’impératrice Alexandra Feodorovna n’est pas la bonne, vous avez posté la photo de l’épouse du tsar Nicolas II, alors que la tsarine dont vous faite écho dans votre texte est l’épouse de Nicolas Ier (voir wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandra_Feodorovna_de_Russie ), deux règnes les séparent, ceux des Alexandre II et III …

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  4. Mille mercis Michel pour ces précisions !! J’ai modifié ce que j’ai pu à la suite de vos remarques….

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  5. … en me relisant, au point 2)- B)- j’ai oublié un jambage : Anastasia était la cousine d’Alexandre III

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  6. Bonsoir,

    J’ai bien vu votre correction concernant les calendriers Juliens et Grégoriens, je vous en remercie. Mais il reste encore les points 2)- et 3)- que l’on ne peut se permettre de laisser ! 2)- il faut remplacer à propos d’Anastasia Mikhaïlovna : « sœur du tsar Alexandre II » par « cousine du tsar Alexandre II » et supprimer « Menton » ou le remplacer par Èze. Remplacer la photo sous laquelle il est écrit Alexandra Fedorovna par ce portrait-ci :

    voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandra_Feodorovna_de_Russie

    3)- A propos du général, il faut supprimer « parce qu’il avait vécu en Bulgarie », cette raison évoquée est sans fondement aucun sachant que toute la Russie a été nourrie au lait caillé (Prostokvacha). Mon père lui-même nous en faisait à la maison.

    J’imagine que ces « informations » ont été trouvées quelque part sur le Net, il faut se méfier de tout ce qui est dit et recouper les infos car trop de personnes mettent ce qu’ils croient savoir sans chercher à les vérifier. Bien cordialement

    Michel

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  7. Voilà qui est fait, merci Michel.

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  8. Coucou,
    L’histoire de la colonie russe sur la Côte d’Azur était mon sujet de mémoire de fin d’études universitaires. Je l’ai publié sous forme de livre. Pour tout ceux qui chercheraient à en savoir plus et de façon précise il est disponible sur Amazon en version papier et aussi électronique. Lien ici: https://www.amazon.fr/Histoire-colonie-russe-Côte-dAzur/dp/1546305661/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1527168306&sr=8-1&keywords=histoire+de+la+colonie+russe+sur+la+c%C3%B4te+d%27azur

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  9. Bonjour Andrea,
    C’est bien d’avoir songé à publier votre mémoire de fin d’études, je viens de le commander. Mes grands-parents y ayant passé les soixante dernières années de leur vie (arrivés en 1894), c’est avec grand intérêt et impatience que je vais me plonger dans votre ouvrage.
    D’avance merci
    Michel

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