Elle, Christiane F., 51 ans, ex-droguée, ex-prostituée…

Tous ceux qui ont connu les années 80 les débuts de Jean-Louis Aubert, de Police, la new Wave, l’époque où le téléphone et la télé étaient fixés dans le salon parental, ont sûrement frémi en découvrant en cours de français ou d’allemand les confessions déchirantes d’une jeune junkie de 13 ans dans le livre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée. On a souffert avec elle de sa descente aux enfers, on a senti la pisse des toilettes publiques où elle se shootait à l’héroïne dans le pied, car le reste du corps était perforé jusqu’au dernier centimètre carré, on a eu la nausée lorsque, disponible et bon marché, elle s’embarquait en voiture avec un inconnu en quête de chair fraîche. 

On a adoré son histoire d’amour avec un autre gamin de la drogue, Detlef, dans des squats pourris où la question n’était pas de savoir qui allait mourir d’overdose mais quand. Trente-cinq ans après la parution du best-seller, la junkie la plus célèbre d’Allemagne est revenue en 2013 avec un nouveau livre, Moi, Christiane F., la vie malgré tout dans lequel elle racontait sa « deuxième vie ».

C’est une rencontre avec deux journalistes de l’hebdomadaire Stern, qui a propulsé Christiane F. en pleine lumière. En 1978 deux journalistes rencontrent Christiane lors d’un reportage à Hambourg sur de jeunes SDF. Très vite, l’article se transforme en biographie de l’adolescente. L’interview initiale s’est transformée en une série de rencontres sur plusieurs mois, qui donnent naissance au livre, en 1978. En quelques semaines, la jeune fille raconte son enfance, son addiction à l’héroïne et la prostitution à laquelle elle se livre pour survivre.

Alors que sa biographie paraissait en 1979, on l’avait quittée clean. Christiane F., de son vrai nom Christiane Felscherinow, avait semble-t-il la vie devant elle. Et pourtant.

Dans son nouveau livre, coécrit avec la journaliste Sonja Vukovic, Moi, Christiane F., la vie malgré toutelle raconte comment avec les 400.000 marks sur son compte en banque elle laisse Berlin et ses mauvais souvenirs et part s’installer à Hambourg, repaire de la scène new wave allemande. Elle tombe amoureuse d’un guitariste, enregistre un disque, fait l’actrice dans des films underground tournés par des copains et… continue de consommer tout ce qui ne s’injecte pas.

Pendant la tournée promotionnelle du film tiré de son livre – film qui connaîtra un succès incroyable que le livre puisqu’il réunit plus de 4 millions de spectateurs dans une vingtaine de pays – elle s’envole avec l’équipe du film pour les États-Unis. Là elle rencontre Billy Idol, est invitée à un concert privé d’AC/DC, sniffe de la coke avec Van Halen, fait du shopping avec Nina Hagen, s’envole dans le jet privé des Rolling Stones avec son idole David Bowie et… replonge ! Cinq ans après sa victoire sur la dope elle s’injecte quotidiennement quatre grammes de blanche dans le sang, gobe « comme des smarties » jusqu’à 60 comprimés par jour d’hypnotiques, de calmants et d’antidépresseurs.

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« Je suis et reste la fille héroïnomane qui vient du trottoir où tapinent les enfants »

Elle continue d’être la petite fille aux seringues qui ne peut calmer ses angoisses qu’en se piquant les veines. Elle n’arrête pas d’essayer d’arrêter et continue même après dix mois passés en prison pour possession de drogue.

À 25 ans, elle a le coup de foudre pour un jeune ermite grec qui vit dans un arbre. Avec Panagiotis elle vit sept ans d’amour, d’eau fraîche et d’héroïne sur les îles grecques. Elle y subit un avortement et se fait finalement larguer par son amant quand il sort de prison.

De retour à Berlin après la chute du mur, elle troque la dope contre la méthadone et son ermite contre un jeune junkie qui vit dans la rue et… donne naissance à Philipp, qu’elle élèvera seule.

Elle ne touche plus à un gramme de poudre jusqu’à qu’on lui retire la garde de son fils, en 2008, parce qu’elle l’avait emmené vivre à Amsterdam contre l’avis des services sociaux. Elle ne replonge heureusement que pour quelques jours mais noie son chagrin dans la liqueur de whisky et traverse tous les jours Berlin pour recevoir sa dose de méthadone.

Écoulé à près de cinq millions d’exemplaires et traduit dans une vingtaine de langues (parution en français en 1981), Moi, Christiane F., droguée, prostituée est devenu un best-seller qui continue à se vendre aujourd’hui.

Aujourd’hui encore, elle continue à vivre des droits d’auteur de son premier livre. Au moment de la sortie de La vie malgré tout son fils avait 17 ans, allait bien, était sa fierté et voulait devenir informaticien. Elle, le foie rongé par l’hépatite C, a fondé une association pour venir en aide aux drogués et à leurs enfants.

Pas un jour ne passe dans la vie de cette femme de 51 ans (en 2013) qui dit n’avoir plus aucun ami sans qu’on ne la reconnaisse dans la rue.

« Je suis et reste une célébrité junkie. Une attraction. Un animal rare. Espèce : « enfant de Bahnhof Zoo »

écrit-elle, désabusée.

C’est comme si depuis toutes ces années, elle était restée enfermée dans son livre :

Je n’ai jamais eu le droit de devenir adulte, pour le grand public je suis et reste la fille héroïnomane qui vient du trottoir où tapinent les enfants. »

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